Historique du service Archives

A droite, le bâtiment qui abrita les Archives jusqu'en 1992. Photo E. Littaye, coll. l'Arche
 

Les quelques données qu’il a été possible de rassembler sur l’histoire des archives de Saint-Pierre et Miquelon font ressortir des traits communs aux archives d’outre-mer, indépendants de leur position géographique : rigueurs climatiques, incendies, histoire militaire mouvementée, éloignement de la métropole se conjuguent partout pour causer de nombreuses pertes.

Aucun renseignement précis n’a pu être relevé sur l’histoire locale des archives aux XVIIème et XVIIIème siècles. Invasions anglaises à répétition, déportations de la population, destructions et abandons de Saint-Pierre et de Miquelon, difficultés de tous ordres expliquent aisément que les archives antérieures à la reprise définitive de possession, en 1816, ne soient plus qu’en nombre infime dans l’archipel, et que la documentation doit aujourd’hui être cherchée surtout à Paris et Aix-en-Provence, voire en Angleterre.

 
Le bâtiment qui abritait les Archives - 1976. Photo A. Horrold, coll. l'Arche
 
 

A l’échelon central, la fin du XVIIIème siècle s’était traduite au contraire par le souci d’éviter des pertes dommageables aux intérêts des administrés. Institué en juin 1776, le dépôt des papiers publics des colonies (D.P.P.C.) reçut les doubles des collections de réglementation, des registres paroissiaux, puis d’état civil, des minutes d’actes notariés, des expéditions d’arrêts et de jugements définitifs et des rôles de passagers, auxquels vinrent d’adjoindre les doubles des registres d’hypothèques et de conservation foncière. (Note : Un décret du 21 avril 1912, toujours en vigueur, ne soumet plus à l’expédition en métropole que les doubles des collections d’état civil.)

Après la réinstallation définitive de citoyens français en 1816, dans des conditions très précaires, la conservation des archives resta longtemps un souci mineur. A partir du milieu du XIXe siècle, furent tout d’abord émises de simples velléités de regroupement, de classement et de protection, moins efficaces que les mesures prises, dans les années 1860, en faveur des publications administratives et de l’édification d’une bibliothèque publique. Des mesures d’ordre général avaient pourtant été prises pour assurer le contrôle des archives et financer leur conservation.

L'Arche Musée et Archives de la Collectivité Territoriale depuis 1998.
 

Cette surveillance était confiée au contrôleur colonial résidant à Saint-Pierre et passa, à la suppression de la fonction, au chef du secrétariat du gouvernement (décret du 15 avril 1873, promulgué le 26 mai). Dès 1855, un décret du 31 juillet, promulgué le 3 décembre, avait défini comme dépense obligatoire du service local les dépenses de garde et de conservation des archives de la colonie.

Certains administrateurs reposèrent le problème dans les premières décennies du XXème siècle. Les intentions furent rarement suivies d’effet. Une minute de lettre circulaire aux chefs de bureaux, datée du 16 octobre 1911, témoigne par exemple ce souci :

 

"Vous avez pu constater avec moi dans quel état déplorable se trouvent les archives dépendant des bureaux. Malgré qu’un local assez vaste ait été spécialement affecté et aménagé, les archives gisent, éparses, dans une petite pièce de l’immeuble anciennement occupé par les bureaux du service de l’Intérieur. J’ai en conséquence l’honneur de prier Monsieur le chef des bureaux de bien vouloir prendre les mesures nécessaires pour que (dans) sa direction et celles de Messieurs les chefs de sections, le déménagement et le classement des archives soient opérés le plus tôt possible."

Les choses allèrent un peu plus loin en 1920 : mettant à profit le transfert dans les bureaux de l’ancien service de l’Intérieur des bureaux de la deuxième section des bureaux de l’administration, la décision du 29 janvier 1920 nomma une commission de trois membres, commis principal, commis expéditionnaire et comptable de l’Imprimerie, chargée de procéder au classement des archives dépendant des bureaux de l’administration et de l’imprimerie… et d’en faire assurer le transfert dans le local qui sera spécialement affecté au dépôt des archives de la colonie. Seules furent exceptées de la mesure les archives du Domaine. Freiné par diverses difficultés, dont la basse température de l’hiver, le travail traîna en longueur et ne fut finalement pas achevé. Une partie des documents fut néanmoins reclassée.

La poursuite de cette tâche, sur des bases nouvelles, devait revenir à E. Sasco, greffier en chef en retraire, et qui s’y consacra jusqu’à sa mort en 1944. Passionné d’histoire, il déploya une intense activité, retardée un moment par la charge de magistrat intérimaire qu’il occupa pendant quelques mois à partir de mai 1933. Répondant à une demande de l’inspecteur des colonies Gayet, une décision du 27 février 1933 remplaça l’ancienne troisième section des bureaux de l’administration par le bureau des archives de l’administration, à la tête duquel une décision du même jour plaça Emile Sasco.

La situation n’était, à l’origine, guère brillante. Dans une note du 7 novembre 1933, Sasco signalait que les archives du gouvernement, de l’imprimerie et de l’inscription maritime se trouvaient disséminées entre les combles du secrétariat du gouvernement, ceux de l’ancien magasin général, l’ancienne imprimerie, sans parler des archives domaniales et de la délégation de Miquelon.

Après divers transferts, l’ensemble des archives fut regroupé au premier étage et au grenier de l’ancien magasin général de Saint-Pierre. Versements, classement, inventaire et cotation, constitution d’une bibliothèque progressèrent de front : le travail de Sasco, joint à sa grande curiosité de collectionneur, fut déterminant pour la sauvegarde du patrimoine archivistique de l’archipel.

A sa mort, son œuvre fut poursuivie jusqu’en 1949 par son adjoint Treich. Dès 1940 cependant, les archives avaient été supprimées en tant que service autonome ; un arrêté du 16 juillet 1945 les rattacha à la troisième section des bureaux de l’administration (Statistiques, archives et plan).

Si quelques mesures ont été prises pour assurer leur sauvegarde ou amorcer un reclassement, un service d’archives départementales, cette fois rattaché à la Direction des Archives de France, s’est mis en place en septembre 1981 sous la direction d’Olivier Guyotjeannin, archiviste-paléographe. Le bureau du service, hébergé alors par le service des Finances et servant en même temps de local de communication, se trouvait sous le local principal de conservation des archives, auquel s’ajoutait un autre local peu éloigné. Grâce aux travaux d’aménagement et d’équipement décidés par le Conseil Général, ces locaux furent rendus aptes à la conservation en 1983.

De 1981 à 1992, le service des archives fut dirigé par des Volontaires à l’Aide Technique. Après Olivier Guyotjeannin, Loïc Bernard de Courville et Jacques Mourier étaient issus, comme lui, de la prestigieuse école des Chartes. Leurs successeurs, Olivier Gorse, Richard Héleine et Bernard Quelennec étaient licenciés, respectivement, en archives, en histoire de l’art et en économie. Les intérims, portant sur les périodes plus ou moins longues, étaient assurés par Rodrigue Girardin, natif de l’archipel et formé à l’archivistique par les trois premiers responsables du service. Suite à l'incendie de 1992 le service fut hébergé dans des locaux provisoires pendant six ans avant d'emménager dans le nouveau bâtiment de l'Arche en 1998.

L'incendie de 1992

Photos : Michel Briand et fils

Le 25 mars 1992 fut une date fatidique pour les archives de l’archipel lorsqu’un violent incendie éclata dans le bâtiment, durant jusque tard dans la nuit et laissant au petit jour un spectacle peu réjouissant. 24 heures après le sinistre, les agents du service, un petit groupe de volontaires et une entreprise privée se mobilisèrent pour extraire des décombres les archives rescapées. Elles furent entassées dans de grands paniers métalliques et congelées dans les chambres froides de la société de pêche locale, suivant les conseils de la Direction des Archives de France. (Note : La congélation permet en effet d’interrompre le processus de dégradation par les moisissures ou le développement de mycoses.) L’étape suivante, toujours à l’aide de volontaires, consista à décongeler partiellement les documents, séparer les semblants d’articles et à les recongeler individuellement en sacs plastique.   

Etant donné le coût prohibitif de la lyophilisation, divers essais de séchage des documents furent tentés sous la direction de Rodrigue Girardin. L’utilisation de vigneaux, utilisés localement pour le séchage du poisson donna des résultats médiocres et très lents, de même que l’emploi de séchoirs à cheveux ou de buvards. Une entreprise locale disposant d’un séchoir à poisson artisanal fut alors sollicitée : le séchage était correct et le processus plus rapide mais, malgré les précautions prises, les supports grillagés, insuffisamment nettoyés ou trop longtemps utilisés pour le poisson, laissèrent des résidus huileux sur quelques documents. La dernière solution qui s’offrit alors localement était les tunnels industriels de la société La Miquelonnaise à Miquelon. Ces tunnels, inutilisés depuis un certain temps, avaient été construits pour produire de la morue sèche. Une centrale permettait de contrôler la température et l’hygrométrie et le volume de documents qui pouvait être traité en une seule opération pouvait atteindre 2m3.

Les opérations de séchage ont alors pu réellement débuter. Chaque semaine, ou chaque quinzaine en fonction des conditions météorologiques, un panier métallique d’une contenance de 2m3 était sorti des chambres froides, acheminé par bateau le lendemain sur Miquelon et déposé dans les locaux de l’entreprise. Des personnes recrutées ad hoc ont été chargées dans un premier temps de séparer les liasses conditionnées sous plastique afin de poursuivre la décongélation. Les registres furent dépouillés de leur couverture afin d’en faciliter le séchage. Chacun des articles a fait l’objet d’un éclatement par groupes de pages, ces groupes étant déposés sur des claies. Ces dernières étaient superposées sur des chariots acheminés vers les tunnels de séchage.

Le séchage effectué en moins de 24 heures, les documents ont été reconditionnés sous emballage kraft, déposés dans le panier métallique ayant servi à l’aller, rapatriés à Saint-Pierre et stockés dans un dépôt provisoire.