La Seconde Guerre mondiale : témoignage d'un soldat saint-pierrais en 1944

Agenda de la victoire de Fernand APESTEGUY

Engagé très tôt dans les Forces Françaises Libres, Fernand APESTEGUY (1918-1980) fit partie de ceux qu'on appela "les évadés", qui rejoignirent Londres via Terre-Neuve avant même l'arrivée des FNFL à Saint-Pierre le 24 décembre 1941.

En juin 1944 il participa aux opérations en mer liées au débarquement de Normandie, sur les bateaux faisant des aller-retour entre l'Angleterre et la côte française.

L'agenda qu'il a utilisé cette année-là a été édité au Maroc. Il contient en préambule les événements intervenus entre novembre 1942 (arrivée des américains à Casablanca) et novembre 1943. Placé "sous le signe de la victoire dont, en Afrique, nous avons senti passer le premier souffle et reçu les premiers bienfaits", il a pour but de "rappeler pour nos lecteurs les faits les plus saillants de l'année écoulée". (avant-propos de M. HERSIN)

Fernand APESTEGUY commence à le remplir le 17 avril 1944, jour pour lequel il note qu'ils viennent d'arriver à Casablanca, à bord de la corvette Aconit. Il le remplira ensuite jusqu'à la fin de l'année.

NB : Nous avons choisi de ne pas inclure dans la numérisation les pages qui ne portaient pas d'inscription.

Prêt de M. Jean-Paul APESTEGUY

 

Retranscription des notes prises au moment du débarquement :

Samedi 3 juin
Patrouillons au large de TORBAY.. Il y a au port plusieurs barges de débarquement américaines et quelques torpilleurs 
 
Dimanche 4 juin
Nous aurions dû partir pour le débarquement en France mais le temps étant défavorable, l’invasion est remise à une date ultérieure.
Patrouillons au large de TORBAY ;
 
Lundi 5 juin
Délégation compte à partir de ce jour ;
Délégation de 3 livres (600 frs) à mon compte à partir de ce jour. Appareillons le matin 6 heures pour patrouiller au large de « TORBAY »
Nous formons le convoi de barges à invasion à partir de 10 heures au matin. Le convoi se compose de plusieurs barges croiseurs, contre-torpilleurs, torpilleurs cuirassés, corvette MTB corvettes destroyeurs, chasseurs… etc.
Ainsi qu’un grand nombre de barges
 
Mardi 6 juin
Escortons un convoi de barges de débarquement, les cuirassés torpilleurs, contre-torpilleurs, croiseurs etc… sont déjà partis en avant pour canarder la côte. De plus, les avions bombardent sans arrêt les batteries côtières etc..
Nous restons au poste de combat toute la nuit … au jour nous rendons au point de combat… l’après-midi vers 2h1/2 nous apercevons les côtes de France, nous n’arrivons cependant qu’à l’embouchure de la Vire (snowguy( ?)) qu’à 4 heures de l’après-midi où nous mouillons.
 
Mercredi 7 juin
Nous n’avons pas encore aperçu d’avions ennemis pas plus qu’aucun bâtiment ennemi. Il y a seulement que les batteries côtières qui tirent de temps à autre.
Nous sommes un des premiers bâtiments Français à avoir aperçu à ce jour la côte de notre chère Patrie la France. Il y a aussi la « renoncule » qui est avec nous… et le « Georges Leygues » et le « Montcalm »( ?) qui canardent la terre sans arrêt toutes leurs pièces.
Un croiseur heurte une mine et coule un _______ et une _______ aucun rescapé
 
Jeudi 8 juin
Les barges que nous avons convoyées débarquent leurs troupes et matériel pendant que les « gros culs » canardent sans arrêt les batteries côtières ainsi que les avions qui se succèdent sans interruption. Nous partons le matin pour l’Angleterre avec un convoi de barges à vides.
Notre chef d’escorte un torpilleur américain est endommagé après avoir reçu une torpille d’un E-boot (U-boot)